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La fabrication du charbon de bois

Le charbon de bois résulte de la carbonisation, c'est-à-dire de la combustion partielle du bois dans un milieu où la quantité d'oxygène est contrôlée afin que les ingrédients volatils du bois s'échappent, laissant un résidu formé de carbone presque pur. Le charbonnier pratique son métier dans les régions de bois et de forêts, contrairement à d'autres occupations qui ont peu à peu migré vers les villages. On retrouve sa trace dans l'Est, dans le Limousin, en Bretagne et dans bien d'autres régions. Différentes techniques de fabrication du charbon de bois se succèdent au fil des siècles : fosses, meules et fours.

La technique des meules au XVIIIe siècle

La technique des meules © Encyclopédie de Diderot et de D'Alembert

La technique des meules © Encyclopédie de Diderot et de D'Alembert

Au XVIIIe siècle, l'Encyclopédie décrit la technique des meules, procédé comprenant cinq opérations : le dressage des bûches et rondins, l'habillement, l'allumage, la cuisson et le défournement.

Pendant que tous les gens des bois s'affairent, le charbonnier se rend dans ses coupes. Il y taille des charbonnettes de 0,66 m à 1 m de long et de 0,30 m de tour. Les billes de dimension supérieure sont refendues. Il les empile en tas, appelés cordes, dans un coin abrité de la forêt afin qu'elles sèchent. Au XIXe siècle, la corde contient, suivant l'usage, 1 stère, 1,50 stère, 2 stères, 2,74 stères, 3 stères, 3,50 stères et même plus. En mars, quand les autres métiers quittent la forêt, le charbonnier construit une loge, sorte de hutte, qui va l'abriter jusqu'à la mi-novembre. Il installe aussi sa première meule à l'abri du vent, sur un sol ni trop pierreux, ni trop humide. Avec une pioche et une pelle, il prépare l'aire de travail en aplanissant la surface. Puis il amène les rondins à l'aide d'une large brouette. Pour réaliser la meule, il étale ensuite une couche de copeaux sur la place à “fourneau”, puis dresse un piquet en son centre. Du bois sec, facile à enflammer, est disposé au pied de celui-ci. Le charbonnier place les premières charbonnettes en triangle autour du piquet pour former la cheminée, puis il pose les autres verticalement en rangs concentriques sur deux étages. La meule mesure environ 4,5 m de diamètre et 1,5 m de haut. Il faut de 12 à 14 stères de bois pour la constituer. Les essences les plus utilisées sont le charme, le chêne, l'acacia, le hêtre, le noisetier… Les résineux sont évités dans la mesure du possible pour leur moindre rendement. Le charbonnier évite de mélanger diverses essences dans la même meule. L'ensemble est couvert d'un manteau d'environ 15 cm d'épaisseur constitué de mousses, de feuilles et de terre. Tout le temps que durera la cuisson, le charbonnier aura soin de colmater toute brèche qui s'ouvrirait dans cette couverture. Le charbonnier construit généralement plusieurs meules semblables dans la même clairière, mais il ne les allume pas en même temps.

Pour mettre le feu, le charbonnier ôte le piquet central et verse de la braise dans la cheminée ainsi créée et rebouche aussitôt le conduit avec un pieu. Il surveille ensuite la combustion sans flamme qui se fait lentement dans toute la meule pendant 4 jours. La conduite du “fourneau” nécessite une grande maîtrise du feu et du vent dont le charbonnier doit se faire un allié pour éviter une combustion dévastatrice de la meule. La couleur de la fumée indique le terme de la carbonisation. La meule est alors étouffée. L'opération terminée et le charbon de bois refroidi, le charbonnier enlève la couverture. Il retire le charbon de bois à l'aide d'un crochet en fer et utilise un large râteau en fer pour l'étaler. Le rendement en charbon est d'environ 30 % : plus ou moins 30 m³ pour 100 m³ de bois. La qualité du charbon obtenu dépend de la conduite de la carbonisation et de la nature du bois utilisé. Les bois durs (chêne, hêtre, charme) donnent un charbon dégageant beaucoup de chaleur. Les bois tendres (bouleau, peuplier, tilleul) fournissent un charbon procurant moins de chaleur. Le bois doit posséder un bon degré de séchage. Trop humide, il est lent à s'enflammer et le feu a du mal à se communiquer à l'ensemble du “fourneau”, entraînant la perte d'un quart de charbon. Trop sec, il se communique trop facilement et le charbon trop consumé risque d'approcher l'état de “braise”, combustible de qualité médiocre.

Le charbonnier place sa production en sacs de 260 litres ou la livre en vrac aux grossistes qui, par terre ou par eau, l'acheminent vers les grandes villes et les ateliers urbains.

Le chargement du charbon de bois © Collection particulière

Le charbonnier est parfois secondé par des paysans, souvent des manouvriers, qui trouvent là une embauche pour quelques semaines. Leur travail, en équipes, consiste en de pénibles travaux de débardage et en la formation de tas de rondins rassemblés en bordure des chemins.

La technique des meules reste la plus utilisée jusqu'au milieu du XIXe siècle Dans une Notice sur le débit des bois de feu, leur mode de vente et les procédés de carbonisation usités en France, rédigée pour l'Exposition universelle de 1878, M. Larzillière, Sous-Inspecteur des Forêts, écrit : “Le seul mode de carbonisation dont l'usage soit général en France est le procédé des meules. Les bois sont empilés, par lits superposés, sur une aire dressée avec soin et appelée faulde, de façon à former un tas, dit meule ou fourneau, ayant la forme d'une calotte sphérique surélevée. La meule est recouverte d'une enveloppe de feuilles sèches et de mousse sur laquelle on dispose, pour empêcher l'accès de l'air, une couverture de terre mélangée de frasil ou frasin, poussier provenant des fourneaux précédemment carbonisés. Cet habillage de la meule reçoit parfois le nom de bougeage.

Montage d'une meule © Collection particulière

On met le feu par le haut, au moyen d'une cheminée ménagée au centre, ou, plus rarement, par des canaux réservés dans la masse du bois contre le sol. Le charbonnier dirige l'opération en ouvrant successivement des évents dans les différents points de la couverture.

Mise à feu d'une meule © Collection particulière

Le volume des meules est très variable ; dans certains pays de montagnes, il ne comprend que 2 ou 3 stères ; ailleurs, il s'élève jusqu'à 300. On peut, sous ce rapport, distinguer trois types principaux : • les petites meules, contenant en moyenne 8 à 15 stères, • les meules de capacité moyenne, contenant de 35 à 60 stères, • les grandes meules, dont le volume dépasse 100 stères. Les petites meules sont presque exclusivement employées dans les forêts du bassin de Paris : elles ont même, quelquefois, reçu le nom de fourneaux de Paris. Elles donnent un charbon bien cuit et parfaitement approprié aux usages domestiques ; aussi leur emploi tend à se généraliser depuis que l'industrie métallurgique consomme une moins grande quantité de charbon de bois. Les meules de capacité moyenne sont surtout en usage dans les départements de l'Est. On s'en sert principalement pour la fabrication du charbon destiné aux forges. Souvent, d'ailleurs, dans une même localité, on emploie l'un ou l'autre des deux procédés, suivant la destination que doit recevoir le charbon. Les grandes meules sont peu usitées. Les Landes, le Doubs et le Jura sont les seules régions où l'on en fasse l'emploi, encore sont-elles d'introduction toute récente dans le Jura. On n'y comprend pas au-delà de 300 stères.

D'après des relevés faits par des agents forestiers sur tous les points du territoire, le procédé des meules donne, en moyenne : • par stère régulièrement empilé de bois de chêne : 82 kg de charbon • par stère régulièrement empilé de bois de hêtre : 76 kg • par stère régulièrement empilé d'essences mélangées, les bois durs dominant : 73 kg • par stère régulièrement empilé de bois blancs : 55 kg • par stère régulièrement empilé de pin et de mélèze : 58 kg • par stère régulièrement empilé de sapin et d'épicéa : 53 kg En admettant le chiffre de 425 kilogrammes comme poids du stère de bois durs et celui de 325 kilogrammes comme poids du stère de bois blancs ou de résineux, on voit que cette production répond à un rendement moyen de 17 à 18 %. Dans des conditions favorables et surtout quand la carbonisation est faite par des ouvriers habiles, le rendement est de beaucoup supérieur : ainsi, la Compagnie des forges d'Audincourt, qui consomme et fait confectionner chaque année 300 000 hectolitres de bois, obtient 89 kilogrammes par stère d'essences dures carbonisé en forêt. Les meules de capacité moyenne donnent en général un rendement supérieur à celui des petites meules, mais la qualité du charbon obtenu étant différente, il est difficile de comparer les deux procédés.

Dans les Basses-Pyrénées, on fait parfois usage de petits fourneaux ayant la forme des meules ordinaires, mais qui, au lieu d'être établis à la surface du sol, le sont dans une fosse circulaire creusée à une profondeur de 0,50 m à 0,60 m. Ces fourneaux comprennent 3 à 4 stères. Dans le département de Vaucluse, on emploie, pour le pin d'Alep, un procédé particulier. La carbonisation se fait sous terre, dans des fours de forme cylindrique, présentant 0,50 m de diamètre sur 2 mètres de hauteur. En établissant ces fours, qu'on creuse simplement dans le sol, on laisse d'ailleurs à la partie supérieure une épaisse couche de terre destinée à former une fermeture et dans laquelle on pratique seulement une ouverture de 0,80 m de diamètre. Les bois sont disposés dans la fosse par assises verticales ; le charbonnier y met le feu par en haut et il dirige la carbonisation en bouchant plus ou moins l'ouverture de façon à diminuer ou à activer la combustion. Dans le Nord, on fabrique avec les bourrées un menu charbon appelé braisette, qui sert à alimenter les chaufferettes dont se servent les fumeurs du pays. La braisette se fait, tantôt en enflammant simplement les ramilles empilées et en recouvrant la braise de gazon et de feuilles humides dès que la combustion est terminée, tantôt en disposant les bourrées en tas réguliers et en les recouvrant de terre avant d'y mettre le feu, ce qui permet d'obtenir un rendement bien plus considérable. Le commerce de cette marchandise a une certaine importance ; on exporte de la braisette dans l'Artois, en Flandre et en Belgique. La seule forêt de Mormal (Nord) en produit annuellement 65 000 kilogrammes.


 
gdrm_05_18_charbon_de_bois.txt · Last modified: 2008/06/18 09:33 by admin
 
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